Nous appelons “Flexion” les marques grammaticales des mots. La forme des verbes varie selon la personne et le nombre (singulier ou pluriel) du sujet et parfois du complément d’objet, ainsi que selon l’ordre, le mode et le temps.
Dans les conjugaisons, les variations entre les différentes personnes du singulier et du pluriel sont indiquées comme dans le tableau qui suit, à l’aide, entre autres, des abréviations de la colonne 3 :
1. Pronoms | 2. Sens en français | 3. Personnes | 4. Exemples de formes verbales | 5. Traductions | |
---|---|---|---|---|---|
niń | moi | 1s | nitatussen | je travaille | |
tshiń | toi | 2s | tshitatussen | tu travailles | |
uiń | lui, elle | 3s | atusseu | il /elle travaille | |
tshiń/tshińuau | toi, vous | 2 | |||
neńua | celui-là, celle-là (l’autre) | 4 | atusseńua | il/ elle (l’autre) travaille; ils/ elles (les autres) travaillent | |
neńua | celui-là, celle-là (un·e autre de plus) | 5, 6 | atusseńua | il/ elle (l’autre) travaille; ils/ elles (les autres) travaillent | |
nińan | nous, mais sans toi ou sans vous | 1pe | nitatussenan | nous travaillons (mais pas toi/vous) | |
tshińanu | moi et toi, ou moi et vous, ou nous et toi, ou nous et vous | 1pi | tshitatussenan | nous travaillons (toi/vous inclus) | |
tshińuau | vous | 2p | tshitatussenau | vous travaillez | |
uińuau | eux | 3p | atusseuat | ils/elles travaillent | |
auen/auenitshenat | on, ça | X | atussenanu | on travaille | |
auenńua | on, ça (autre) | X’ | atussenanuńu | on [obviatif] travaille | |
tshekuan | ça, il | 3s (0s) | pashteu | c’est sec, il [inanimé] est sec | |
tshekuana | ça, ils | 3p (0p) | pashteua | ils [inanimé] sont secs | |
tshekuanńu | ça, il (autre) | 4s (0’s) | pashteńu | il [obviatif, inanimé] est sec | |
tshekuanńua | ça, ils (autres) | 4p (0’p) | pahteńua | ils [obviatif, inanimé] sont sec |
REMARQUES ET EXPLICATIONS
La colonne 1 indique le pronom personnel (emphatique) qui correspond à chaque personne verbale, à l’exception de la 4e personne (c’est-à-dire l’obviatif) pour laquelle il n’y a pas de pronom personnel, mais qui peut correspondre à un démonstratif mis à l’obviatif (neńua). Ces pronoms ne sont pas nécessaires pour conjuguer un verbe, contrairement au français.
La colonne 2 donne une traduction en français correspondant à chaque personne innue.
La colonne 3 présente la notation utilisée dans les conjugaisons (paradigmes) pour indiquer les personnes du sujet, ou du sujet et du complément dans le cas des verbes TA (transitifs animés) comme dans l’exemple (1) qui suit :
2s→1s | tshuapamin | tu me vois | sujet 2e personne du singulier complément 1re personne du singulier |
1s→2s | tshuapamitin | je te vois | sujet 1re personne du singulier complément 2e personne du singulier |
2→1pe | tshuapaminan | tu nous vois ou vous nous voyez | sujet 2e personne du singulier ou du pluriel complément 1re personne du pluriel (exclusive, 1pe) |
2s→3s | tshuapamau | tu le vois | sujet 1re personne du singulier complément 3e personne du singulier |
1s→3p | nuapamauat | je les vois | sujet 1re personne du singulier complément 3e personne du pluriel |
- Pour plus d’informations au sujet de la conjugaison des verbes TA, voir les classes de verbes, les radicaux TA, ainsi que les conjugaisons complètes.
La notation dans la colonne 3 s’explique comme suit :
- 1s, 2s, 3s sont les personnes du singulier.
- 1pe, 1pi, 2p, 3p sont les personnes du pluriel.
- Certaines des personnes présentées à la colonne 3 du tableau sont particulières à l’innu (et aux langues algonquiennes):
- En français, le nous désigne aussi bien les cas qui incluent l’interlocuteur (toi et moi et les autres) que les cas qui excluent l’interlocuteur (moi et les autres, mais pas toi). La langue innue fait cette différence: tshińanu et nińan. La notation 1pi (ou 21p) correspond à ce qu’on appelle 1re personne du pluriel inclusive tshińanu, incluant à la fois moi ou nous et toi ou vous (le locuteur et l’interlocuteur). Elle se traduit par nous en français, mais en fait, comme le montre le préfixe tshi-, du point de vue de l’innu, c’est thsiń (2) qui inclut niń (1). La notation 21p reflète cette réalité (2+1). La notation 1pe correspond à la 1re personne du pluriel exclusive nińan, appelée ainsi parce qu’elle exclut l’interlocuteur. Elle se traduit aussi par nous en français.
- La notation 4, ou 4e personne, est aussi appelée obviatif. On l’utilise quand il y d’autres 3e personnes ou de groupes de 3e personnes sujet ou complément du verbe : cette autre 3e personne devient alors une 4e personne. En innu, une forme distincte d’obviatif singulier ou pluriel (4s, 4p) n’existe qu’avec certains verbes Intransitifs Inanimés (VII).
- S’il y a déjà une 4e personne (à l’obviatif), on peut alors avoir une 5e personne (personne 5) ou même parfois une 6e personne (au surobviatif).
- Quand une forme peut tout aussi bien désigner le singulier que le pluriel on ne marque ni s ni p. La neutralisation du nombre se retrouve à l’obviatif ainsi que dans certaines formes de la deuxième personne: 2 signifie 2s ou 2p, 4 signifie 4s ou 4p.
- Autres notations : les inanimés sont parfois indiqués avec 0, ce qui donne 0s, 0p, et l’obviation avec le symbole prime ‘, soit: 0’s ou 0’p. C’est la notation utilisée en anglais par les innus du Labrador. Au Québec, en français, on utilise 3 et 4 pour les inanimés aussi, ce qui signifie que la notation 3s, 3p, 4s, 4p peut indiquer des sujets inanimés, comme tshekuan, tshekuana, tshekuanńu, tshekuanńua.
- La notation X indique que l’agent a été supprimé. On la retrouve pour les formes passives et indéfinies.
3p→4 | uapameuat | ils voient qqn d’autre | sujet 3e personne du pluriel complément 4e personne |
3p→5 | uapamimeuat | ils voient qqn d’autre (ex. le frère de qqn) | sujet 3e personne du pluriel complément 5e personne |
4→5 | uapameńua | qqn d’autre (ex. le frère de A) voit qqn d’autre (B) | sujet 4e personne complément 5e personne |
4→6 | uapamimeńua | qqn d’autre (ex. le frère de A) voit qqn d’autre (ex. la soeur de B) | sujet 4e personne complément 6e personne |
X→4 | uapamakanńua | on voit qqn d’autre / qqn d’autre est vu | 4e personne [patient] |
Les personnes dans les verbes sont marquées par les suffixes dans toutes les conjugaisons et par les préfixes dans les conjugaisons à l’ordre indépendant.
Les terminaisons des verbes (ou suffixes) donnent des informations sur les personnes, les ordres, les modes et les temps. Dans le cas des ordres conjonctif et impératif, comme il n’y a pas de préfixes de personne, ce sont les terminaisons qui indiquent la personne.